Partisan d’une action pensée et organisée au plus près des réalités du terrain, le SNDGCT :
- apprécie que les régions puissent désormais définir, dans la concertation, une vision stratégique sur un territoire, et que le fait urbain soit amplement reconnu,
- déplore parallèlement que la commune soit le grand absent de ce texte alors que la période réclame la proximité et la lisibilité de l’action publique,
- regrette que la prise en compte du fait rural ait totalement disparu du texte.
A cet effet, il propose aujourd’hui des pistes complémentaires d’amélioration**, qui renvoient à sa propre contribution à l’Acte III. Remise au Ministère et à Matignon en décembre dernier, elle avait par ailleurs été exposée en conclusion des États Généraux de la Démocratie Territoriale en octobre au Sénat. Ces pistes ont été présentées le 26 mars au Président de la Commission des lois, Jean Pierre Sueur qui les a accueillies très favorablement.
Les Directeurs Généraux de Services (DGS) des collectivités locales et leurs adjoints (DGAS) participent depuis de nombreuses années aux débats sur le rôle des collectivités et leur action dans la vie publique locale. Interlocuteurs naturels des élus sur le terrain, véritables gestionnaires locaux, ils entendent dès lors se positionner sur les textes qui impactent les missions, la gestion des collectivités ainsi que le statut de la fonction publique territoriale. Ils participent depuis de nombreuses années à la préparation des différents textes de loi et ont par ailleurs déjà été auditionnés par la commission «Balladur», travaillé avec les rapporteurs de la loi dite RCT, et contribué à la mission de l’ancien Ministre Jean-Jacques de Peretti.
Des pistes complémentaires d'amélioration
En premier lieu, le SNDGCT renvoie à ses précédentes analyses qui touchaient notamment à :
- les missions et la composition du Haut Conseil des Territoires,
- la répartition des compétences et l’absence de certaines (comme la dépendance ou les politiques de l’emploi,
- la péréquation et les dotations d’État,
- la fiscalité,
- la fonction publique territoriale.
Il livre donc ici les points nouveaux qu’il lui semble nécessaire de commenter.
UN NOUVEAU POINT POSITIF
Défendant leur pertinence depuis de nombreuses années, le SNDGCT se félicite de l’extension des conseils de développement aux aires urbaines.
TROIS AUTRES POINTS À AMÉLIORER
1- Sur la forme, le SNDGCT considère que l’organisation du projet de texte gagnerait en lisibilité et en force politique s’il partait du général pour aller au particulier. Ainsi, l’articulation devrait
partir du Haut Conseil des Territoires (HCT), pour passer aux Conférences Territoriales de l’Action Publique (CTAP), puis faire la liste des compétences transférées en les regroupant dans une vision globale qui confierait :
- à la région la planification et l’organisation,
- au département l’action sociale et la solidarité,
- à l’intercommunalité la stratégie et le projet de territoire,
- à la commune la proximité.
Enfin, comme il n’y a pas de droits nouveaux sans devoirs, le texte se terminerait par les questions financières et l’organisation des services mutualisés.
2- Il est fait mention d'une succession de plans régionaux et/ou départementaux dans le projet de loi (formation professionnelle, développement économique, transport, aménagement numérique...) et il est à nouveau évoqué un schéma d'organisation et de mutualisation. L’existence de ces plans conditionne les financements croisés. Il aurait été plus cohérent, pour donner du sens à l’action territoriale, d'avoir un document d’orientation régionale regroupant tous ces plans : le SRADDT (schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire) qui préfigure la politique territoriale et oriente par la suite la rédaction des CPER. Ce schéma régional, qu’il convient de rendre prescriptif, comprend par ailleurs un volet de développement
économique et d’appui aux PME, il traite de la gouvernance territoriale, l’innovation, le pilotage des liens entre formation, emploi et modernisation économique, l’attractivité des territoires, le soutien à l’agriculture et à la pêche, l’encouragement aux relocalisations et à l’exportation, l’aménagement numérique dans le cadre d’une politique régionale de développement durable conforme aux engagements du Grenelle de l’environnement. Le SRADDT doit être au préalable approuvé avec avis conforme par la CTAP. Tout financement croisé est conditionné à l’inscription du projet dans le SRADDT et doit se traduire par une contractualisation avec la collectivité.
3- Il ne semble pas prévu que la création d'une nouvelle structure entraînait la suppression d'une autre. Et pour l’instant, le SNDGCT constate la complexité des dispositions sur les métropoles
d’Aix-Marseille et de Lyon, comme du Grand Paris. La gouvernance sera certainement très complexe à organiser.
DEUX ABSENCES
1- Sur les normes, il avait été dit que la création d’une norme devait s’accompagner de la suppression d’une autre. Cela ne semble pas être le cas. De plus, les compensations financières ont disparu du projet de texte. Le SNDGCT s’oppose par ailleurs au principe de proportionnalité de la norme. Dans le débat autour de «l’inflation normative», l’idée générale, et plutôt à contre courant,
est de :
- s’opposer à l’adaptabilité ou à la proportionnalité dans la loi qui est de portée générale et doit être la même pour tous. C’est à la normalisation de définir les critères et préciser la loi sous
forme réglementaire,
- permettre éventuellement aux régions de pouvoir adapter localement les normes définies par la loi par le transfert d’un pouvoir réglementaire de normalisation,
- confirmer le rôle de la CCEN au sein du futur Haut Conseil des Territoires.
2- Dans la version 6 de l’avant projet de texte, le SNDGCT s’était félicité de l’introduction de la nouveauté de la création des pôles d’aménagement et de développements ruraux, pendant rural des pôles métropolitains. Il s’agit ici d’une ancienne proposition du Syndicat, déjà exposée devant la commission «Balladur». Le Syndicat regrette que cette disposition ait disparu dans la version
transmise au Conseil d’État. Cela marque l’absence de prise en compte du fait rural.
LES POINTS PROBLÉMATIQUES
1- D’une manière générale, le SNDGCT considère que la commune est le grand oublié de ce projet de texte. Dans une période où l’on ne parle que de nécessaire proximité, de lisibilité de l'action
publique, de perte de confiance dans les élus, chacun sait que les gens ne connaissent vraiment que le Maire et le Président de la République. L’empilement de nouvelles structures et la création de collectivités à statut particulier compliquent la lisibilité de l’action publique et vont renforcer le recours au Maire comme acteur public de proximité. Dans ce contexte, et sans nier la nécessaire montée en charge du cadre intercommunal, il est regrettable que les compétences des intercommunalités soient renforcées d’autorité sans passer par un projet concerté entre les élus, et sans tenir compte d’une logique d’organisation séparant la stratégie de la proximité. Les maires pourraient également être chargés de la mise en oeuvre des espaces mutualisés sur leur territoire. Il faut laisser au bloc local la possibilité de s’organiser librement dans le cadre d’un projet de territoire.
2- La suppression de l'intérêt communautaire pour un certain nombre de compétences, notamment pour les communautés d’agglomération, (développement économique, politique de la ville...) pose également problème. En effet, cela signifie que la compétence sera désormais exercée en bloc par l'intercommunalité par transferts obligatoires. Il ne sera donc plus possible désormais pour le maire de conserver la main sur le développement commercial des centres bourgs, compris dans la dimension développement économique.
A l’inverse, l’intercommunalité sera amenée à gérer la politique de la ville qui, en milieu rural, ne concerne souvent que la ville centre au milieu de communes rurales, ce qui n’a pas beaucoup de
sens. En son temps, le SNDGCT avait demandé et obtenu que la notion d’intérêt communautaire soit étendue aux métropoles afin de bien délimiter, dans le cadre d’un projet partagé de territoire, les compétences des communes et des intercommunalités. Il serait opportun de conserver ce dispositif pour des raisons évidentes d’adaptation aux réalités locales.
3- Concernant la métropole parisienne, le SNDGCT ne peut souligner les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter dans la mise en oeuvre du projet, pourtant séduisant au départ : il semble d’emblée impossible de respecter le calendrier en 2014 pour boucler le paysage intercommunal en Ile-de-France compte tenu à la fois de la tenue des élections municipales (nécessitant par ailleurs de recomposer la commission régionale) et également des délais très contraints. De plus, il ne manquera pas de se poser la question des périmètres de l’aire urbaine, du fonctionnement de la conférence métropolitaine des Maires (412 communes en Ile de France), du fonctionnement de la Métropole Paris-Ile de France au regard de l’ensemble des prérogatives qui lui sont confiées, notamment en matière de logement avec la création de la Conférence francilienne. Enfin, il faut s’interroger sur les difficultés de fusion à prévoir entre l’EPF régional et les trois EPF départementaux, ainsi que les rapports à venir entre les EPA de La Défense.
4- Le projet de loi incite à la mutualisation des services et liste même les services qui peuvent être communs. C’est une bonne chose, mais il est important d’une manière générale de ne pas
supprimer les possibilités de mutualisations ascendantes. D’une part, il importe que la mutualisation soit issue d’un projet de territoire et d’un schéma local laissé à l’appréciation des élus, et, d’autre part, chaque territoire ayant sa spécificité, il peut arriver que les services des communes membres d’un EPCI soient plus fournis et puissent donc être mis à disposition, soit de manière ascendante, soit de manière horizontale (entre les communes).
Le SNDGCT propose donc de modifier l’article 71 du projet de loi de la manière suivante : «Les services communs sont gérés par le niveau de collectivité le plus pertinent, défini dans le cadre du
schéma d’organisation et de mutualisation».
5- Le SNDGCT rappelle par ailleurs sa position sur la mutualisation des directions générales puisqu’il n'est nulle part question des DG (tout juste est-il question des « services chargés de l’instruction des projets de décision »). Le projet doit donc comprendre un volet sur la mutualisation des directions générales. Compte tenu de l’augmentation très sensible des compétences transférées, les DGS des communes ne peuvent plus être ignorés dans la gestion des EPCI.
Il propose donc de créer dans les EPCI un comité de direction de territoire avec une mise à disposition partielle ou totale des DGS des communes pour assurer un suivi opérationnel des
dossiers communaux ou d’une compétence. Il faudrait en ce sens revoir la rédaction de l’article 71 du projet de loi de la manière suivante : « Les services communs interviennent en dehors de l’exercice direct des compétences de l’établissement et de ses communes membres. Ils peuvent être chargés de l’exercice des missions fonctionnelles en matière de gestion du personnel (…), de gestion administrative et financière, d’informatique, d’expertise juridique, d’expertise fonctionnelle ainsi que, par la mutualisation de la direction générale, de l’instruction et de la mise en oeuvre
des projets de décisions prises par les maires au nom de la commune ou de l’Etat. »
6- Enfin, le SNDGCT rappelle sa demande de reconnaître dans le CGCT le rôle des directeurs généraux des services et leurs adjoints, à savoir : Introduire dans le CGCT à la suite des articles
L1111-1 à L 1111-7 la disposition suivante : «sous l’autorité et le contrôle de l’autorité territoriale, le DGS des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dirige et coordonne l’ensemble des services, prépare et exécute les délibérations, décisions et arrêtés de la collectivité ou de l’établissement. Dans ce cadre, il assure le secrétariat général du ou des organes délibérants et des instances décisionnelles et consultatives de la collectivité ou de l’établissement. Il est en outre chargé de l’animation du dialogue social et peut à la demande de l’autorité territoriale représenter la collectivité ou l’établissement dans une instance où ils sont amenés à siéger».