Confirmation expérimentale des théories sur la surfusion ou pourquoi l’eau ne gèle pas dans les nuages
Publié le 23 avril 2010 à 10:26
Des scientifiques du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)1, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS)2 et de l'installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF)3 apportent des éléments clés pour expliquer le curieux phénomène de surfusion, cet état de la matière où un liquide ne gèle pas alors même qu'il est à une température inférieure à son point de
cristallisation. La surfusion est un phénomène que l'on peut observer au quotidien puisque les nuages sont une accumulation de gouttelettes d'eau en surfusion. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature du 22 avril 2010.
Des scientifiques du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)1, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS)2 et de l'installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF)3 apportent des éléments clés pour expliquer le curieux phénomène de surfusion, cet état de la matière où un liquide ne gèle pas alors même qu'il est à une température inférieure à son point de
 
 cristallisation. La surfusion est un phénomène que l'on peut observer au quotidien puisque les nuages sont une accumulation de gouttelettes d'eau en surfusion. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature du 22 avril 2010. La surfusion est un état de la matière qui ne peut se produire qu'avec un liquide très pur et
 
 ne contenant pas de germes cristallins. La pureté extrême du liquide ne permet pas à la
 
 cristallisation de prendre, autrement dit au liquide de geler, alors que la température est
 
 inférieure à son point de congélation. Les nuages de haute altitude sont un bon exemple de
 
 ce phénomène : ils sont constitués de minuscules gouttelettes d'eau qui, en raison de la
 
 pureté de l'air, ne forment pas de glace malgré de très basses températures. L'arrangement
 
 des atomes, très chaotique, et l'absence de germe cristallin pour déclencher le processus de
 
 cristallisation sont à l'origine du phénomène. Qu'un avion traverse le nuage et les
 
 gouttelettes d'eau vont s’accrocher à sa structure, qui possède des impuretés, déclencher
 
 très rapidement le processus de cristallisation et former de la glace. C'est pour cette raison
 
 que certains avions sont équipés de systèmes de dégivrage.
 
 Si la surfusion a été découverte dès 1724 par Fahrenheit, de nombreuses questions sur son
 
 mécanisme restent encore aujourd'hui sans réponse. Actuellement, les théoriciens postulent
 
 que la structure interne des liquides pourrait être incompatible avec la cristallisation. Des
 
 modèles théoriques suggèrent que les atomes dans les liquides s’organisent en pentagones.
 
 Or, pour former un cristal, il faut une structure qui peut être répétée périodiquement, de
 
 façon à remplir tout l'espace, ce que la forme pentagonale ne permet pas. Couvrir sans
 
 interruption un plancher avec des pavés pentagonaux est impossible alors que cela l'est
 
 avec des pavés triangulaires, rectangulaires ou hexagonaux. Pour que la cristallisation
 
 puisse avoir lieu, la structure pentagonale doit être cassée afin que les atomes se
 
 réarrangent.
 
 Jusqu'à aujourd'hui, la preuve expérimentale que ces structures pentagonales pouvaient être
 
 la cause de la surfusion n'avait pas été apportée. En étudiant par rayonnement synchrotron
 
 un alliage de silicium et d'or à l'état liquide, les chercheurs ont pu prouver que l'ordre
 
 pentagonal était à l'origine de la surfusion. « Nous avons étudié ce qui se passe dans un
 
 liquide en contact avec une surface sur laquelle une structure de symétrie 5 peut être
 
 réalisée (une surface de silicium 111 avec un revêtement spécial) », explique Tobias Schülli,
 
 premier auteur de l’article. « Nos expériences montrent qu’une surfusion très importante,
 
 inobservée dans ces alliages jusqu’à aujourd’hui, se produit sur une telle surface. Nous
 
 avons fait la même expérience avec des surfaces de silicium présentant une symétrie 3 ou 4
 
 et dans ces cas, la cristallisation a eu lieu à des températures bien plus élevées ».
 
 C'est au cours de travaux sur la croissance de nanofils de semi-conducteurs que les
 
 chercheurs ont découvert cette propriété des liquides qui favorise la surfusion. En observant
 
 le premier stade de croissance de nanofils, ils ont pu constater que l'alliage métal/semiconducteur
 
 utilisé restait liquide à une température bien inférieure à son point de
 
 cristallisation, et ont décidé d'explorer le phénomène. Ces alliages liquides attirent beaucoup
 
 l’attention car ils permettent la croissance de structures semi-conductrices à des
 
 températures de croissance faibles.
 
 Les nanofils de semi-conducteurs sont des candidats prometteurs pour de futurs dispositifs.
 
 A titre d'exemple, les chercheurs travaillent sur l'intégration de nanofils de silicium en
 
 nanoélectronique ou dans les cellules solaires photovoltaïques, ce qui permettrait
 
 d'augmenter le rendement de ces dernières. La surfusion pourrait aussi avoir des
 
 applications métallurgiques. Elle permettrait de mettre au point certains alliages à plus basse
 
 température.