Cette proposition a immédiatement reçu le soutien de l’ancienne candidate du PS à l’élection présidentielle, Ségolène Royal. « Il a raison, il faut faire cet arc central », a expliqué la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes en se disant prête à « faire de sa région un laboratoire du rassemblement », proposant « cinq places éligibles » de sa liste au MoDem (sur 54). Cette proposition d’alliance dès le premier tour rappelle celles déjà formulées par les présidents PS de région Jacques Auxiette (Pays de la Loire) et Jean-Jack Queyranne (Rhône-Alpes).
Sans surprise, François Bayrou a rejeté « avec sympathie » ces « offres d’ouverture électorale » dès le premier tour, martelant : « Nous sommes décidés à défendre le pluralisme, la liberté de choix des électeurs au premier tour des élections. » Il n’empêche, dans la perspective du second tour, le dialogue entre le centre et la gauche est déjà avancé au sein d’un « rassemblement social, écologique et démocrate » réunissant des membres du MoDem (Marielle de Sarnez, Jean-Luc Bennahmias), du PS (Vincent Peillon, François Rebsamen), d’Europe Écologie (Daniel Cohn-Bendit), du PRG (Christiane Taubira) et du Mouvement unitaire progressiste (Robert Hue).
Si les choses bougent à gauche, François Bayrou ne parvient en revanche toujours pas à remplir les bancs de droite de son « parlement de l’alternance » avec des « Chaban d’aujourd’hui ». Comprenez : des personnalités UMP non sarkozystes. « J’en connais individuellement », affirme le président du MoDem, tout en admettant pour l’instant un décalage « entre déclaration privée et déclaration publique ». Dans l’entourage de François Bayou reviennent les noms de Dominique de Villepin, Alain Juppé ou François Baroin. Tant pis si les gouvernements d’Alain Juppé et de Dominique de Villepin – contre le gouvernement duquel François Bayrou avait voté une motion de censure – n’ont pas forcément marqué l’opinion comme étant l’incarnation d’une « droite sociale ».
En définitive, c’est donc plutôt le député non inscrit Nicolas Dupont-Aignan, fondateur du parti Debout la République, qui pourrait le mieux incarner cette mouvance. L’intéressé, dont le nom est également cité par les proches du président du MoDem, présente en effet plusieurs avantages. D’une part, Nicolas Dupont-Aignan connaît bien François Bayrou, puisqu’il fut membre de son cabinet au ministère de l’éducation nationale. D’autre part, ce gaulliste, qui partage des valeurs communes avec la gauche chevènementiste, a déjà voté à l’Assemblée nationale en compagnie de l’opposition contre la majorité. De quoi rassurer une opposition de gauche déjà divisée sur l’opportunité d’ouvrir le dialogue avec le centre…
"Petit livre orange"
Mais François Bayrou possède de bonnes raisons d’insister pour inclure une partie de la droite au sein de l’« arc central ». Se contenter d’une alliance du MoDem avec la gauche équivaudrait de fait au passage à gauche du MoDem, c’est-à-dire, dans un paysage politique bipolarisé, sa participation au jeu d’alliance du bloc de gauche. Tandis que former un « arc central », de la droite anti-sarkozyste à la gauche de gouvernement, rejoindrait l’idée qu’il défend depuis une quinzaine d’années : la création d’un « grand centre ».
Quant à savoir où se situera le « centre de gravité » idéologique de cet « arc central » d’alternance, ce sera aux électeurs de décider, justement au premier tour des élections. « Nous sommes les premiers à mettre sur la table un projet avec des propositions précises pour répondre à la question de l’alternance et pour dialoguer avec les autres formations de l’opposition », s’est félicité dimanche François Bayrou, après l’adoption « à l’unanimité moins deux abstentions » du « projet humaniste » du MoDem. Reste à voir si la partie de la gauche jusqu’à présent hostile à toute alliance avec le MoDem jugera ou non le « petit livre orange » compatible avec ses convictions.