Police, justice et prison : un rapport accablant pour la France

Par Bernard M.
Publié le 15 février 2006 à 14:25

Le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Álvaro Gil-Robles, dresse un réquisitoire sévère de la situation française dans un rapport rendu public mercredi

"J'ai l'impression que la France ne se donne pas toujours les moyens suffisants pour mettre en oeuvre un arsenal juridique relativement complet, qui offre un haut niveau de protection en matière des droits de l'Homme", explique-t-il. Et de recommander une augmentation des moyens financiers et techniques alloués à la justice et aux prisons, ainsi qu'une amélioration des conditions de vie dans les établissements pénitentiaires.



M. Gil-Robles, qui s'est rendu en France du 5 au 21 septembre 2005 (Paris, Marseille, Avignon, Bastia, Strasbourg, les Hautes-Pyrénées et la Normandie), observe qu'il ne faut pas être fin connaisseur pour constater le manque criant de moyens de la justice française. Notamment, "les locaux de certains tribunaux donnent l'impression d'être vétustes et d'appartenir à un autre temps", juge-t-il.



Le commissaire aux droits de l'Homme constate également une prolifération législative qui conduit les magistrats à consacrer plus de temps à l'examen des questions de forme qu'au traitement de fond des dossiers, ce qui risque de créer à terme un problème d'insécurité juridique.



Il s'étonne en outre de l'existence de "18 régimes différents de garde à vue" et préconise la présence de l'avocat dès le début de la procédure, y compris dans les affaires de stupéfiants ou de terrorisme.



Concernant les prisons, M. Gil-Robles se dit "frappé" par le problème de surpopulation et le manque de moyens nécessaires au fonctionnement à la plupart des établissements visités.

Il explique avoir assisté à des scènes "très dures et choquantes" lors de sa visite dans sept établissements pénitentiaires.

Il se dit particulièrement "choqué par les conditions de vie observées à La Santé et aux Baumettes". "Ces établissements m'ont semblé particulièrement démunis. Le maintien de détenus en leur sein me paraît être à la limite de l'acceptable, et à la limite de la dignité humaine", dénonce Álvaro Gil-Robles.



Egalement visé par le commissaire, "l'état lamentable" des cellules de garde à vue dans les commissariats. Concernant les forces de l'ordre, justement, il dénonce le "sentiment d'impunité qui domine chez les policiers". Peu de cas de violences policières aboutissent à une condamnation proportionnelle aux faits incriminés, poursuit-il avant de regretter un esprit de corps.



Décrivant la situation des étrangers, il juge plus qu'urgent de fermer le centre de rétention du Palais de justice de Paris, qui représente à lui seul une image flagrante d'une violation grave des droits de l'Homme.



Il dénonce par ailleurs les conséquences des dernières réformes du gouvernement en matière d'immigration et de droit d'asile, qui ont abouti à un affaiblissement des garanties offertes aux demandeurs d'asile. Il critique également l'ambiguïté juridique qui persiste dans les 120 zones d'attente, où sont détenus les clandestins interceptés aux frontières.



Enfin, dans le cas des mineurs, il délivre un satisfecit aux centres éducatifs fermés, qui peuvent "s'avérer utiles face à certains enfants particulièrement déstructurés et violents". "On ne peut qu'encourager ce genre d'initiatives", poursuit-il, tout en plaidant pour leur multiplication.