Pourquoi les Allemands redoutent tant les «eurobonds»
Publié le 24 mai 2012 à 18:07
Pour créer l'euro, en 1999, l'Allemagne a du abandonner son Deutsche Mark tant adoré. Aujourd’hui, ce pays réunifié aux contrastes assez forts veut faire partager sa crédibilité budgétaire avec ses voisins mais pour quoi ? Pour sauver la zone euro? Ce n’est pas aussi simple ni même paradoxal.
La mise en place des «euro-obligations», les «eurobonds», n’est pas chose facile. L'enjeu est même éminemment politique ! Appelons les choses par leur nom mais qu’il s’agisse des «euro-obligations» ou des «eurobonds», la perspective semble être la même : ajouter encore des malheurs à notre pauvre l'Europe.       Les euro-obligations ? Elles ont, dans l’esprit de ceux qui les prônent, la qualité d’être un instrument financier mutualisé, ou, en d’autres termes, elles imposent aux uns et aux autres de faire pot commun. Ainsi, les États émettraient, ensemble, ces obligations, sur les marchés financiers, comme le fait l'État fédéral aux Etats-Unis. Les fonds ainsi récoltés serviraient alors à financer les déficits. Encore trop de pays croient à cette solidarité qui n’est pas sans rappeler un emprunt au siècle dernier et qui a ruiné bien des épargnants.   Sans polémique, donc dans la pratique, il n'y a objectivement aucune raison pour que la zone euro, au déficit 2012 à la moitié des États-Unis, n'obtienne pas des taux au moins aussi avantageux que n’en obtiennent les Américains (actuellement 1,7 % sur les obligations à dix ans). Avec cet outil, donc, on pourrait dire adieu à la crise des dettes dans toute la zone Euro ! En théorie …
Les Allemands ne voient pourtant pas les choses de la même manière car ils craignent, sans foute à juste titre, que ne se mélangent bons et mauvais emprunts obligataires, les mauvais entraînant fatalement dans leur chute même ceux qui sont bons. Aujourd’hui, à Berlin, les titres d'État, donc les bunds à dix ans, sont émis à 1,47 %. Et il est naturel que nos amis d’outre-rhin redoutent d’avoir à  payer plus cher en mettant leurs dettes dans le même panier que leurs voisins !       Au-delà, les Allemands redoutent encore davantage que ces euro-obligations n’ouvrent la voie à un relâchement des efforts budgétaires, une forme de laxisme plutôt tentante dès lors que les disponibilités augmentent. Et cette crainte n'a rien de théorique. Il suffit, en effet, d'observer les politiques économiques parfois irresponsables conduites au lendemain de l'instauration de l'euro, notamment dans notre pays, prétextant alors que la monnaie unique servirait de «bouclier», pour voir quelles en ont été les conséquences.       Ce n’est qu'avec la création d'un véritable État fédéral européen, en tous pour les Allemands, que pourrait s’envisager cette mutualisation des dettes publiques. Car en procédant différemment, ce serait, en quelque sorte, mettre la charrue avant les bœufs.   Autre point d’achoppement qui agace la chancelière : François Hollande a joué sur les mots. En effet,  jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle, le candidat devenu président défendait «les eurobonds pour financer des projets industriels d'infrastructure».   Or, c’est ce que fait la Banque européenne d'investissement, en s'endettant au nom de l'Europe, sur les marchés. Donc il y a maldonne puisque dans les faits cela n'a rien à voir avec une mutualisation des dettes d'État !   Les Tout modalités techniques du projet français restent encore floues sauf à émettre des titres épousant cette appellation d’«eurobonds», à moins d'un an, comme le recommande notamment le FMI. Il s’agirait alors d’une nouvelle forme de mutualisation, « en test » car a minima et sans grande portée. L’anticipation faite par les économistes sérieux ne vont pas, mais alors pas du tout, dans ce sens…