Réforme retraites : pourquoi 2 millions de seniors sont piégés
Publié le 03 septembre 2025 à 16:18
En France, la réforme des retraites de 2023 a bouleversé la vie de milliers de seniors, tout particulièrement ceux nés en 1962. Derrière les statistiques positives sur l’emploi des seniors, une réalité bien plus complexe se dessine. Entre avancée de l’âge de départ à la retraite et marché du travail incertain, pourquoi les seniors sans emploi semblent-ils aujourd’hui être les grands oubliés du système ? Plongée au cœur d’une génération prise en étau.
Une génération piégée par la réforme
La génération 1962 devait être celle du renouveau pour l’emploi des seniors. Elle est devenue celle du casse-tête. Avec la réforme, l’âge légal de départ à la retraite a reculé, passant de 60 à 62 ans. Ce changement, loin d’être anodin, a bouleversé tous les repères de ces travailleurs expérimentés, qui voyaient jusque-là l’horizon de la retraite se rapprocher.
Les chiffres sont éloquents : le taux d’emploi des seniors nés en 1962 a progressé de 10 points par rapport à la génération précédente. Pourtant, cette amélioration cache une réalité plus sombre. Selon la Dares, la baisse du nombre de retraités dans cette tranche d’âge est encore plus marquée, avec une chute de 13 points. Où sont donc passés les seniors qui ne sont ni en emploi, ni en retraite ?
Beaucoup se retrouvent dans une impasse : trop jeunes pour toucher la retraite, mais déjà écartés du marché du travail. Une situation inédite qui fragilise un pan entier de la population active.
Un taux d’emploi en hausse… mais un fossé qui se creuse
2024 marque une progression historique pour l’emploi des seniors en France. Le taux d’emploi des 55-64 ans atteint 60,4% — du jamais vu depuis 1975. Pourtant, cette avancée ne doit pas masquer l’essentiel : ce chiffre reste bien inférieur à celui des 25-49 ans, dont 83% sont actifs. Autrement dit, près de 40% des seniors sont toujours sans emploi et peinent à retrouver une place sur le marché du travail.
La réforme, en reculant l’âge de la retraite, n’a pas offert de véritables alternatives à ces seniors. Résultat : beaucoup d’entre eux se retrouvent dans une zone grise, condamnés à attendre sans perspective claire, ni emploi stable ni retraite assurée. Cette attente, souvent synonyme de précarité, pèse lourdement sur leur moral et leur niveau de vie.
Les chômeurs seniors : les oubliés de la réforme
Si les statistiques globales montrent une embellie, elles ne disent rien de la situation des seniors au chômage. Pour ces derniers, le report de l’âge légal de départ à la retraite a transformé leur quotidien en parcours du combattant. Beaucoup se retrouvent sans solution : trop âgés aux yeux des employeurs, pas assez pour accéder à la retraite.
Le vide laissé par la baisse du nombre de retraités n’a pas été comblé par une augmentation équivalente des emplois. Conséquence : certains seniors voient leurs droits au chômage s’épuiser, tout en restant exclus du bénéfice de la retraite. Cette période de flottement, parfois longue de plusieurs années, accentue leur précarité financière et sociale.
Le risque ? Voir émerger une « génération sacrifiée », condamnée à vivre d’allocations dégressives ou à puiser dans ses économies, dans l’attente d’un droit à la retraite sans cesse repoussé.
Des solutions… mais pour qui ?
Face à cette impasse, le gouvernement tente d’apporter des réponses concrètes. Le Contrat de valorisation de l’expérience (CVE) a ainsi été lancé pour permettre aux demandeurs d’emploi de plus de 60 ans, voire dès 57 ans dans certains secteurs, de signer un contrat de travail jusqu’à la retraite à taux plein. Sur le papier, une avancée majeure pour redonner confiance aux employeurs et remettre les seniors sur la voie de l’emploi.
Le CVE s’apparente à un CDI « senior » : il offre la sécurité d’un emploi durable, mais ses modalités restent encore floues pour de nombreux employeurs, frileux à l’idée de s’engager sur le long terme avec des collaborateurs proches de la retraite.
À cela s’ajoute le plan d’action pour l’emploi des seniors, issu d’un accord interprofessionnel. Ce plan vise à faciliter la reconversion professionnelle et à soutenir l’intégration des travailleurs expérimentés. Mais pour l’heure, son efficacité reste à démontrer : l’embauche des seniors progresse trop lentement, et les employeurs demeurent réticents à miser sur des profils jugés « en fin de carrière ».
Des parcours semés d’embûches
Entre dispositifs inadaptés et marché du travail exigeant, de nombreux seniors racontent les obstacles qu’ils rencontrent au quotidien. Les entretiens d’embauche se font rares, les formations proposées ne correspondent pas toujours à leurs compétences, et le sentiment d’être mis à l’écart grandit. Pour beaucoup, la perspective d’une retraite paisible s’éloigne, remplacée par l’inquiétude et l’incertitude.
Et maintenant ?
La réforme des retraites a certes permis d’augmenter le taux d’emploi des seniors, mais elle a aussi laissé de côté une population vulnérable : les chômeurs âgés. Pour eux, la promesse d’une retraite méritée après des décennies de travail semble s’éloigner. Entre dispositifs encore timides et marché du travail impitoyable, la génération 1962 et les suivantes risquent de payer longtemps le prix de cette réforme. Une attente qui ressemble, pour beaucoup, à une double peine.