Le photovoltaïque : un secteur d’avenir confronté à des faillites en série
Publié le 02 juillet 2012 à 10:22
Une tribune de Ronan Dugué, Avocat du Cabinet Schultze & Braun
Une tribune de Ronan Dugué, Avocat du Cabinet Schultze & Braun Les nouvelles de ces derniers mois provenant du secteur de l‘industrie photovoltaïque, ou solaire plus généralement, ont quelque chose de paradoxal : alors que la croissance des énergies propres et renouvelables est une priorité et de plus en plus une réalité dans de nombreux pays, de nombreuses entreprises, précisément spécialisées dans ce domaine, ont été confrontées à des faillites. En France, c’est bien-sûr Photowatt qui a fait la une de cette actualité avant d’être finalement sauvée et reprise par EDF. Les Etats-Unis ont aussi connu leur affaire de défaillance d’entreprise photovoltaïque avec Solyndra. Mais c’est d’Allemagne que cette vague de faillites dans le secteur solaire a pu être observée de la façon la plus impressionnante. Solar Millenium, Q Celles, Solarhybrid, Solon,… : on ne compte plus en effet le nombre de sociétés à l’encontre desquelles une procédure d’insolvabilité a été ouverte. Il y a à peine plus d’un an, en réaction face à la tragédie de Fukushima, l’Allemagne décidait d’abandonner de façon anticipée l’énergie nucléaire. Déjà très en avance dans le secteur de l’énergie solaire, le pays semblait offrir aux acteurs de la filière photovoltaïque l’assurance d’opérer sur un marché ne pouvant que prospérer. Une conjonction de facteurs défavorables de deux ordres est pourtant venue noircir ce tableau. Le premier élément explicatif tient à la concurrence asiatique, et plus particulièrement chinoise, qui a déstabilisé les acteurs européens et américains de l’énergie solaire. Les fabricants chinois ont pratiqué une politique tarifaire très agressive pour gagner rapidement des parts de marché. Ainsi, dans le monde en 2011, plus de 50 % des cellules photovoltaïques ont été produites en Chine. Les entreprises chinoises sont parvenues à mettre sur le marché des produits à très bon marché, non seulement grâce à des économies d’échelles – de très grandes usines ont été ouvertes – ou au faible coût de la main-d’œuvre, mais semblerait-il aussi en pratiquant le dumping. Frank Asbeck, dirigeant de la société allemande Solarworld a ainsi rapporté au Handelsblatt, le quotidien des affaires allemand, des propos de dirigeants chinois selon lesquels leur gouvernement n’acceptera pas à long terme que l’industrie photovoltaïque chinoise continue à réaliser des pertes. Selon les spécialistes du secteur en effet, les produits chinois actuellement mis sur le marché ont un coût de revient supérieur à leur prix de vente. Cette explosion de l’offre chinoise de cellules photovoltaïque a contribué à un état de surcapacité de production, en dépit de la croissance de la puissance totale des panneaux installés, encore très majoritairement situés en Europe. La tension sur le marché international du photovoltaïque a fait réagir le gouvernement américain qui a annoncé le 17 mai dernier l’instauration de droits de douanes de 31 % ou plus sur les importations de certains produits photovoltaïques chinois. Le gouvernement chinois n’a pas tardé à répondre en dénonçant une mesure injuste de protectionnisme économique. A côté de cette perte de compétitivité des produits occidentaux, la seconde raison des difficultés du secteur photovoltaïque est que celui-ci doit faire face dans les principaux marchés européens à une diminution de la bienveillance des pouvoirs publics à son égard. Cela passe par une baisse de subventions en général, dans un contexte de crise des finances publiques, et des tarifs de rachat de l’électricité de source solaire en particulier. Ces baisses répétées des tarifs fixés ont affecté tout le secteur photovoltaïque, qui est en quelque sorte victime de son succès. En effet, lorsque la part de l’énergie solaire dans la production totale d’électricité n’était que marginale, les tarifs de rachat très élevés étaient supportables. Mais à mesure que le pourcentage d’électricité solaire dans le mix énergétique augmente, les surcoûts importants liés à ces tarifs de rachat se font de plus en plus remarquer pour les consommateurs d’électricité, particuliers et entreprises, qui au final supportent ces mesures. Les acteurs du photovoltaïque doivent donc faire le constat amer que leur modèle économique ne pourra pas se contenter de se reposer sur une générosité sans limite des pouvoirs publics et des consommateurs. Doit-on en conclure qu’il n’y a pas d’avenir pour le secteur photovoltaïque dans les pays occidentaux ? Cela serait ignorer les signes positifs et les chances qui se présentent à cette industrie. Celle-ci est encore très jeune et est en train de connaitre une phase de consolidation. Les objectifs de croissance de la part des énergies renouvelables fixées dans les différents pays, et qui sont encore loin d’être atteints, offrent des perspectives évidentes de pérennité au secteur. Mais cela ne suffira pas. Les acteurs européens et américains bénéficient encore d’une avance technologique sur leurs concurrents chinois. Pour pouvoir faire face à la pression tarifaire venant de Chine, il est vital que l’industrie photovoltaïque occidentale se distingue par l’innovation et la technologie en misant sur la recherche et le développement. C’est ce qu’estime dans le Handelsblatt Peter Schwartze, président de la Fédération allemande des producteurs de textile qui connait forcément bien le sujet de la concurrence asiatique. Selon lui, le protectionnisme ne peut sauver le secteur sur le long terme. C’est aux acteurs occidentaux de se démarquer et de convaincre non pas par leurs prix, mais par leurs produits. De nouvelles cellules offrant un meilleur rendement ou ayant une plus grande longévité pourraient ainsi bientôt être proposées sur le marché. Les records de production solaire récemment enregistrés en Allemagne (jusqu’à environ 22 gigawatts d’électricité produite par moments) dont la presse s’est fait l’écho montrent que l’avenir du photovoltaïque n’est pas si sombre. Les faillites en série traduisent un certain éclatement d’une bulle mais ne signifient pas que le secteur dans son ensemble se trouve dans un déclin durable. En outre, à y regarder de plus près, toutes les faillites ne sont pas identiques. Elles révèlent aussi des raisons propres a chaque entreprise. Ainsi, dans le cas de Solar Millenium, des difficultés rencontrées dans de nombreux projets étrangers ont été déterminantes dans la chute de l’entreprise. Aussi, suite à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité allemande, des filiales américaines ont dû se placer sous la protection du Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites et une transaction cruciale n’a pas pu aboutir car un acheteur, la société allemande Solarhybrid, a lui aussi dû déposer le bilan. Mais il y a aussi de bonnes nouvelles. Récemment par exemple, la PME française Phoenix Solar a annoncé le 31 mai dernier avoir obtenu d’un pool bancaire une ligne de crédit de 132 millions d’euros sur deux ans. Si un certain nombre d’entreprises du secteur photovoltaïque ont du faire face à la tempête ces derniers mois, d’autres pourraient un jour connaître à nouveau un soleil radieux.