Fraude aux arrêts maladie : ce qui peut vous trahir en 2025… et pourquoi des détectives vous surveillent

Fraude aux arrêts maladie : ce qui peut vous trahir en 2025… et pourquoi des détectives vous surveillent
Par Jonathan Tully
Publié le 07 octobre 2025 à 15:26

Le monde du travail connaît une évolution qui ne laisse personne indifférent : face à l’essor des arrêts maladie jugés abusifs, une nouvelle tendance s’affirme dans l’ombre. De plus en plus d’entreprises font désormais appel à des détectives privés pour lever le voile sur la réalité de certains arrêts de travail. Derrière ce phénomène, une lutte acharnée contre la fraude sociale, mais aussi des histoires surprenantes qui questionnent nos rapports au travail… et à la confiance.

Des arrêts maladie sous surveillance

Si, jusqu’à récemment, faire appel à un détective privé évoquait plutôt des affaires de couple ou des litiges familiaux, le contexte a radicalement changé. Les enquêteurs reçoivent désormais un tout autre genre de mission : vérifier que les salariés en arrêt maladie respectent bien leur obligation de repos… ou ne profitent pas de cette période pour travailler ailleurs.

Fabrice Lehmann, détective privé depuis trente ans, témoigne d’une mutation de son métier. Il suit de plus en plus régulièrement des employés en arrêt, « notamment des cols blancs », qui continuent parfois à exercer une activité professionnelle en toute discrétion. Parfois pour un concurrent, parfois pour lancer leur propre aventure entrepreneuriale. Et il n’est pas le seul à faire ce constat : selon plusieurs professionnels interrogés, la demande explose.

« Ce type de contrats a plus que doublé en quatre ans », confie Baptiste Pannaud, autre enquêteur privé. Plusieurs de ses confrères ont même mis de côté leurs spécialités historiques pour se consacrer quasi-exclusivement à la traque des arrêts maladie abusifs.

Une facture qui s’alourdit pour la Sécurité sociale… et les employeurs

La tentation de tricher sur son arrêt maladie n’est pas anodine pour les finances publiques. Selon la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), les dépenses d’indemnités journalières ont bondi de 27,9% entre 2019 et 2023. Cette hausse s’explique en partie par le vieillissement de la population et une activité économique plus soutenue, mais aussi par une multiplication des arrêts… et des abus.

En 2024, la Cnam a détecté pour 42 millions d’euros de fraudes aux arrêts de travail. Un chiffre colossal, plus du double de celui de 2023, qui ne reflète pourtant qu’une partie du phénomène : les contrôles n’ont été renforcés qu’à partir de 2022, laissant penser que le montant réel est bien supérieur.

Pour les employeurs, la note grimpe vite. Si l’Assurance maladie plafonne son indemnité à 41,47 euros par jour, ce sont souvent les entreprises qui prennent en charge le complément de salaire… et donc qui subissent directement l’impact financier des arrêts injustifiés.

Quand l’ombre des détectives plane sur les salariés

Mais comment se passent ces missions de surveillance ? Les détectives privés usent de tous les moyens d’investigation légaux : filatures, observations discrètes, recueil de preuves visuelles. Leur objectif : documenter d’éventuels abus, comme des salariés surpris en train de travailler pour un concurrent, ou même de lancer leur propre société pendant un arrêt officiellement motivé par la maladie.

Bruno Boivin, enquêteur expérimenté, raconte une mission marquante : mandaté par une grande entreprise de transport public dont 30% d’un service était en arrêt maladie, il a pu constater des flagrants délits répétitifs. Pourtant, malgré des preuves tangibles, aucune sanction n’a été prise à l’encontre des salariés concernés. L’entreprise a finalement abandonné les investigations, déçue par l’inefficacité des procédures disciplinaires.

Attention : les preuves réunies par les détectives ne garantissent pas nécessairement des sanctions. Entre prudence juridique et complexité administrative, les employeurs se heurtent parfois à des obstacles inattendus.

Pourquoi autant de prudence face à la sanction ?

Si la volonté de lutter contre la fraude est forte, la sanction n’est pas automatique. Les entreprises doivent composer avec un arsenal juridique strict : la preuve doit être irréprochable, la vie privée du salarié respectée, et toute décision de licenciement solidement argumentée. Un faux pas, et c’est le risque de poursuites pour atteinte à la vie privée ou licenciement abusif.

Certaines entreprises choisissent donc de ne pas aller plus loin, de peur de s’engager dans des procédures longues et coûteuses, sans garantie de succès. Cette prudence explique pourquoi, malgré la multiplication des missions, les sanctions effectives restent rares.

Un enjeu national : la lutte contre la fraude sociale

Dans un contexte de finances publiques sous tension, la chasse aux arrêts maladie abusifs devient un objectif prioritaire pour le gouvernement. Depuis la crise sanitaire, la progression des arrêts de travail interroge. Les contrôles se multiplient, et l’État affiche sa volonté de redresser la barre. Mais la bataille s’annonce longue, tant le phénomène est difficile à quantifier… et à endiguer.

Les détectives privés, eux, voient déjà leur carnet de commandes se remplir, preuve que la tendance s’installe dans la durée. Pour les salariés, une nouvelle ère s’ouvre, faite de surveillance accrue et de pression sur l’honnêteté des démarches. Reste à savoir si ces méthodes, parfois perçues comme intrusives, parviendront à inverser la courbe…

Ce qu’il faut retenir :

  • Le recours aux détectives privés pour traquer les arrêts maladie abusifs explose dans les entreprises françaises.
  • Les employeurs cherchent à endiguer un phénomène qui pèse lourdement sur leurs finances… mais se heurtent souvent à la difficulté de sanctionner.
  • Entre prudence juridique et quête d’efficacité, la lutte contre la fraude sociale s’intensifie, sans garantie de résultats immédiats.