Marseille : 40 000 feuilles d'or pour la renaissance de Notre-Dame de la Garde

Publié le 10 septembre 2025 à 12:00
À Marseille, un chantier d’exception bat son plein, captivant autant les habitants que les visiteurs : la restauration de la mythique Bonne Mère, perchée au sommet de la basilique Notre-Dame de la Garde. Mais que se passe-t-il vraiment derrière la mystérieuse bâche qui recouvre la statue et intrigue la cité phocéenne ? Plongée dans les coulisses d’une renaissance dorée à l’or fin, où tradition et prouesses techniques se mêlent dans les hauteurs du ciel marseillais…
Un symbole marseillais sous haute protection
Depuis le mois d’août, la statue de la Vierge à l’Enfant, gardienne bienveillante de Marseille, a disparu du regard de tous. Dissimulée sous une immense bâche blanche, elle attire les questions et suscite l’attente. Les Marseillais, attachés à leur « Bonne Mère », s’interrogent : que devient celle qui veille sur la ville depuis plus de 150 ans ?
C’est sur plus de 100 m² que la statue va retrouver sa splendeur originelle, grâce à l’application de 30.000 à 40.000 feuilles d’or, soit à peine 500 grammes de ce métal précieux. Un chiffre vertigineux, et pourtant, chaque feuille compte : certaines sont même parrainées par des particuliers, émus de participer à ce chantier unique.
Le geste millimétré des artisans doreurs
Au cœur de cette opération d’envergure, une scène fascinante se joue à 220 mètres d’altitude. Là, Cyrielle d’Antoni, doreuse passionnée, avance mèche par mèche, feuille après feuille. Munie d’une palette, elle utilise une légère électricité statique pour saisir la feuille d’or, la dépose sur la main de l’enfant Jésus, puis la lisse minutieusement à la brosse, aidée d’une eau gélatinée pour fixer la dorure.
Chaque geste est précis : la moindre particule d’or est récupérée grâce à un coussin à dorer confectionné par Cyrielle elle-même. Ses cheveux se parent parfois de poussières dorées, témoins discrets de cet art ancestral et délicat.
Le saviez-vous ? L’ensemble du chantier se déroule dans un atelier suspendu, protégé du vent, de la chaleur et surtout de la pollution. Pour la première fois, la statue est totalement enveloppée d’une bâche, ce qui permet aux artisans de travailler dans des conditions optimales, à l’abri du sel marin qui ternit la dorure.
Un chantier historique et novateur
Selon Xavier David, architecte en charge du projet, cette restauration marque un tournant. Jamais Notre-Dame de la Garde n’avait bénéficié d’une telle protection. L’enjeu : garantir à la dorure une longévité inédite, jusqu’à 50 ans, contre 25 à 30 lors des précédentes rénovations. Ce défi technique impose des méthodes de pointe et une vigilance de chaque instant.
La main de l’enfant Jésus n’est que la première étape : viendront ensuite le visage, les cheveux, le cou, puis le corps de la statue, haute d’une dizaine de mètres. Les anges et le piédestal, eux aussi, profiteront de cette cure de jouvence.
Un tel chef-d’œuvre suspendu n’est pas sans risques : le vent qui souffle sous la bâche, la chaleur et l’humidité peuvent compromettre la pose des feuilles d’or. C’est pourquoi chaque phase est minutieusement planifiée, chaque réaction de la matière surveillée de près.
Des mécènes et des fidèles au rendez-vous
Restaurer la « Bonne Mère » n’est pas qu’une affaire de spécialistes : il s’agit aussi d’un élan collectif. Pour financer l’opération, le diocèse de Marseille a lancé une campagne de dons originale : chacun pouvait parrainer une feuille d’or, tissant un lien intime entre la statue et ses admirateurs. Mais au-delà des dons individuels, de grands mécènes se sont engagés : CMA CGM, l’Olympique de Marseille, Pernod Ricard…
Au total, la rénovation de la statue, de son piédestal, des anges et des façades représente un budget de 2,8 millions d’euros, dont la dorure seule absorbe 2,2 millions. Un investissement à la hauteur de l’attachement des Marseillais à leur emblème.
Un cœur qui bat au sommet de Marseille
Cette disparition momentanée de la Bonne Mère a bouleversé le quotidien de la ville. Face à l’inquiétude, une idée lumineuse a vu le jour : installer des spots lumineux derrière la bâche, simulant les pulsations d’un cœur qui bat. Un clin d’œil poétique, destiné à rassurer et à rappeler la présence symbolique de la statue pendant tout le chantier.
- Dépose de la couronne et protection intégrale de la statue
- Préparation des surfaces et dessalement
- Application minutieuse des feuilles d’or sur chaque partie de la statue
- Contrôle qualité et récupération des particules précieuses
- Finitions et vérification de la dorure
- Restauration du piédestal, des anges et des façades
- Révélation progressive de la statue rénovée
Bientôt la renaissance tant attendue
Si la curiosité monte et que les regards se tournent chaque jour vers la colline de la Garde, il faudra encore patienter quelques semaines. La statue mythique devrait réapparaître dans toute sa splendeur début décembre, auréolée d’un éclat retrouvé, prête à traverser de nouvelles décennies au sommet de Marseille.
Ce chantier, bien plus qu’une simple rénovation, est une page d’histoire qui s’écrit sous les yeux émerveillés de toute une ville. Et vous, serez-vous parmi les premiers à redécouvrir la Bonne Mère, flamboyante, défiant le mistral et le temps ?