
Finalement, à quelque chose malheur est bon et ce triste destin de la jeune fille que d’aucuns tentent d’utiliser comme bras séculier contre l’exécutif mérite que l’on remette enfin à plat les moyens des juges mais aussi les possibles contrôles ou contre-pouvoirs de leurs actes et décisions.
Comment en effet ne pas s’émouvoir de regretter la triste fin de cette jeune fille au seul motif que l’on a relâché un individu dont on sait qu’il était dangereux ?
Comment au surplus ne pas s’étonner qu’une instance quelconque n’ait pas pu valider ou alors empêcher cette libération décidée sans doute à tort – l’enquête le déterminera – du meurtrier ?
La faute est là. Elle existe. Elle doit être sanctionnée, à juste proportion. Et le chef de l’Etat a raison de rappeler que les uns et les autres, dans tous les rouages de l’Administration et pas seulement dans l’institution judiciaire, ont une obligation de résultat, point sur lequel, lors de sa campagne en 2007, il avait particulièrement insisté.
Nous voilà confrontés donc à un cas qui relève presque du fait divers (il y a des morts et des blessés par imprudence, oubli, erreurs, … tous les jours) mais qui pourtant remet en cause un circuit décisionnel qui, manifestement, ne montre pas, loin s’en faut, son efficacité.
On ne peut dès lors que s’étonner de cette fronde des juges qui, avec un élan d’une rare détermination, n’accepte pas le dialogue mais cherche à imposer à la fois son indépendance et d’une certaine manière également son autogestion dont on sait qu’elle est impossible.
L’emprise de l’exécutif sur la justice n’existe pratiquement plus depuis déjà plusieurs décennies et son contrôle par le ministre de tutelle, le Garde des Sceaux, est à tout le moins nécessaire – mais apparemment pas suffisant – pour un fonctionnement sans faille. Le législateur, quant à lui, ne peut guère intervenir sur les moyens de fonctionnement ni sur le possible recrutement de renforts.
Il y a quelques années déjà, intellectuels, hommes politiques et journalistes avaient émis des doutes et exprimé leurs craintes d’une dérive vers une « République des Juges », ceux-ci prenant, en apparence, un malin plaisir à poursuivre devant toutes juridictions celles et ceux qui ont un poids politique, économique ou financier.
Les procédures engagées contre tous ceux qui – le plus souvent malgré eux – ont fauté par personne physique ou morale interposée font que d’importantes personnalités de la majorité comme de l’opposition ont payé, cher, certains écarts auxquels ils ont certes participé mais dont ils n’ont que très rarement profité. On en vient à se demander si derrière cette salve d’assignations ne se cache pas en réalité une volonté systématique de nuire rendant alors le ministère Public lui-même aussi coupable que celles et ceux qu’il poursuit.
Médecins, pharmaciens et architectes font le ménage dans leurs rangs avec un Conseil de l’Ordre qui est censé ne rien laisser passer. Il serait bon de s’inspirer de ces pratiques pour faire progresser en qualité et en fiabilité l’institution judiciaire, en créant en son sein un bataillon de « bœufs carottes » comme ceux qui règlent les affaires internes de la police.
Au bout du compte, la petite phrase de Nicolas Sarkozy a révélé deux choses : d’une part que la politique politicienne prime sur les affaires d’Etat et, d’autre part, que ce détournement d’une déclaration sibylline ne grandit pas cette caste d’opposants en mal de pouvoir et d’honneurs …
Bernard Marx