Pesticides interdits de retour : la loi Duplomb réautorise un pesticide toxique dans vos assiettes

Pesticides interdits de retour : la loi Duplomb réautorise un pesticide toxique dans vos assiettes
Crédit photo : Source : Paulo Vilela / Shutterstock
Par Laetitia Laporte
Publié le 24 juillet 2025 à 15:26

Que se cache-t-il derrière la récente loi Duplomb, votée dans la discrétion de l’été 2025 ? Alors que la question des pesticides semblait tranchée en France, un vent de contestation souffle à nouveau, menaçant de bouleverser nos assiettes… et la biodiversité. Mais quels fruits et légumes sont vraiment concernés par ce revirement ?

Loi Duplomb : un retour en arrière qui divise

À l’origine de ce texte, deux sénateurs, Laurent Duplomb et Franck Menonville, désireux de répondre aux frustrations du monde agricole, exacerbées début 2024. Face à la concurrence européenne et à la pression des rendements, la France a-t-elle sacrifié un principe de précaution ? Adoptée à l’Assemblée nationale le 8 juillet 2025, la loi a été soutenue par 316 députés, contre 223 opposants, révélant une fracture profonde entre les défenseurs de l’agriculture conventionnelle et les partisans de la préservation de l’environnement.

Mais ce vote n’a pas mis fin à la polémique : une pétition d’initiative citoyenne, réunissant plus d’un million de signatures, pourrait bien forcer l’Assemblée à remettre le sujet sur la table dès la rentrée. Les débats s’annoncent houleux.

Pourquoi la loi Duplomb fait-elle tant de bruit ? Parce qu’elle rouvre la porte à un pesticide interdit en France depuis 2018 : l’acétamipride, un néonicotinoïde accusé d’effets toxiques sur la biodiversité… et notre santé.

L’acétamipride : un pesticide qui ne laisse personne indifférent

Interdit par la loi pour la reconquête de la biodiversité, puis soumis à des dérogations jusqu’en 2023, l’acétamipride n’a jamais totalement quitté les débats agricoles. Si la France l’avait banni, d’autres pays européens continuaient de l’utiliser, créant une situation de distorsion de concurrence souvent dénoncée par les agriculteurs français.

La loi Duplomb ne s’arrête pas à l’acétamipride : elle autorise également, par décret, l’usage de deux autres substances controversées – le sulfoxaflor et le flupyradifurone – sur certaines cultures. Mais concrètement, quels fruits et légumes pourraient être directement exposés à ces molécules ?

Voici les principales cultures qui pourraient être impactées par la réintroduction de l’acétamipride en France :

  • Noisettes : pour lutter contre le balanin et la punaise diabolique ;

  • Pommes : pour combattre le puceron cendré ;

  • Cerises : pour lutter contre la mouche de la cerise ;

  • Asperges et betterave sucrière : également citées parmi les cultures concernées.

D’autres productions, comme le kiwi ou certains fruits à coque ou de table, pourraient être concernées si elles répondent aux critères d’obtention d’une dérogation.

Attention : Pour l’instant, aucune liste exhaustive n’a été publiée et l’étendue réelle des surfaces concernées reste incertaine. Les filières doivent faire une demande spécifique et satisfaire aux exigences réglementaires avant tout feu vert officiel.

Pourquoi une telle décision ? Le dilemme des agriculteurs

Les défenseurs de la loi avancent un argument de taille : sans accès à ces substances, certaines cultures françaises, déjà fragilisées par les aléas climatiques et la concurrence étrangère, risqueraient de disparaître. « Nos voisins européens peuvent utiliser l’acétamipride, pourquoi pas nous ? », questionnent certains producteurs. Pour eux, il s’agit d’éviter l’effondrement de filières entières, notamment la noisette, menacée par de nouveaux ravageurs.

De l’autre côté, les associations environnementales et une large partie de la société civile s’inquiètent des conséquences pour les insectes pollinisateurs, l’eau, et la santé humaine à long terme. Les débats à venir s’annoncent vifs, car le sujet touche à la fois l’économie, la santé publique et la souveraineté alimentaire.

Le saviez-vous ? Selon les discussions parlementaires, la réintroduction de l’acétamipride pourrait concerner jusqu’à 500 000 hectares de cultures, soit une part non négligeable du paysage agricole français.

Quels fruits et légumes restent peu exposés aux pesticides ?

Le tableau n’est pas uniforme : tous les fruits et légumes ne sont pas logés à la même enseigne face aux pesticides. Un rapport de Générations Futures dresse un classement des cultures les moins contaminées en France (hors bio).

En tête des légumes les plus « propres » :

  • Maïs doux : seulement 1,9 % des échantillons présentent des résidus quantifiables ;

  • Asperges : de 2,1 % à 3,2 % ;

  • Ignames/Madères : environ 3,3 % ;

  • Betterave potagère : 4,4 % ;

  • Chou-fleur : environ 6,7 %.

Ces légumes, grâce à leur peau épaisse ou leur culture souterraine, sont naturellement mieux protégés.

Côté fruits, le trio de tête est composé de :

  • Avocat : ≈ 23 % d’échantillons contaminés ;

  • Kiwi : ≈ 27 % ;

  • Prunes/Mirabelles : ≈ 34‑35 %.

La moyenne nationale pour les fruits non bio atteint toutefois près de 72 % d’échantillons contaminés. Les fruits à peau épaisse ou rustiques s’en sortent donc mieux… pour l’instant.

Et maintenant ? Un automne sous haute tension

Le sort de la loi Duplomb n’est pas encore scellé. Avec la mobilisation citoyenne et la perspective d’un nouveau débat à l’Assemblée, l’avenir de l’acétamipride dans les champs français reste incertain. Ce qui est sûr, c’est que la question des pesticides, loin d’être tranchée, continuera d’agiter la société française.

Pour les consommateurs, l’enjeu est aussi de taille : faut-il privilégier le bio, diversifier son panier, ou miser sur des producteurs engagés ? Les prochains mois pourraient être décisifs pour l’agriculture française… et pour nos repas de demain.

Sources : débats parlementaires, Générations Futures, témoignages citoyens.