Confirmation de l’effondrement de Sarkozy dans l’opinion

Au cours du quart de siècle dernier, seuls François Mitterrand, mais après trois ans de mandat et  Jacques Chirac six mois après son élection sur la « fracture sociale » avaient atteint de tels sommets.

En revanche, dans les trois cas cités, les politologues ont systématiquement considéré que la chute de popularité résultait, pour l'essentiel, d'un décalage important voire choquant entre, d'une part, les résultats, jugés décevants, sur l'enjeu majeur d'une élection et, d'autre part, une attitude présidentielle considérée par l'opinion comme un changement de cap, revirement voire même un désintérêt.

Bref, en quelques semaines, l'écart entre les bonnes et les mauvaises opinions sur Nicolas Sarkozy en tant que Président de la République s'est creusé ; le fossé s'est transformé en une tranchée puisque le solde négatif est passé de -3 à –22 points.

En remontant plus loin dans le temps, c'est-à-dire depuis la mi-novembre, ces chiffres sont, pour le chef de l'Etat, encore plus inquiétants puisque d'un solde positif à +20 il sombre dans une abysse à -19, un écart de près de 40 points. Du jamais vu …

Compte tenu des courbes enregistrées, il convient, contrairement à ce que l'on entend, ici ou là,  de relativiser l'impact de certains épisodes de sa vie privée comme par exemple ses vacances dorées. A l'inverse, l'agenda social très soutenu, sur la même période, avec la grève des caissières de supermarché jusqu'à celle des chauffeurs de taxi, sont à l'évidence des sujets de mécontentement, de déception, de désaffection. Les caissières sont là pour lui rappeler leur impatience pour que soit tenue la promesse de la hausse du pouvoir d'achat, les taxis seraient en revanche les symboles de la résistance typiquement française à toute démarche réformatrice.

La chute aussi rapide que continue de la cote présidentielle, selon les sondages, viendrait principalement des changements de comportements des sympathisants de l'UMP (81% de bonnes opinions, soit – 10 points) et de ceux du Front national, qui, désormais, s'avouent majoritairement mécontents.

Parallèlement, la remontée de la cote de François Fillon (44%, + 3 points en deux mois) se  confirme,  une hausse imputable – c'est d'ailleurs assez étonnant - aux sympathisants de gauche !

Certes l'opposition ne fait pas tout mais vient c'est certain nuancer ce décrochage entre le président et son Premier ministre, un Premier ministre républicain, droit dans ses bottes et qui apparaît clairement à une large majorité de nos compatriotes comme un élément modérateur de l'action élyséenne, qu'elle soit directe et donc présidentielle, ou indirecte du fait de conseiller complètement décalés.

De là à considérer que l'évolution de sa cote personnelle serait le signe d'un soutien particulier à l'action des pouvoirs publics pourrait être un tant soit peu hasardeux.

Les grands gagnants face à ce pouvoir présidentiel décrié, tancé de tous côtés, sont le leader centriste (+4) et le porte-parole trotskyste (+ 4), deux personnages de la vie publique qui apparaissent désormais comme les plus en phase avec l'état de l'opinion. En tous cas en moyenne.

François Bayrou est le refuge par défaut des « déçus du sarkozisme » (avec + 13 points à droite) et  Olivier Besancenot, à gauche d'une gauche muette ou aphone, apparaît comme seul fer de lance de l'opposition (avec + 4 points parmi les sympathisants de gauche).

Mieux encore : Bayrou est du coup devenu le plus populaire de toutes les personnalités testées dans le baromètre CSA – Orange pour L'Express ! Quant au célèbre postier, considéré désormais comme la personnalité la plus appréciée des sympathisants de gauche, il recueille tant de soutiens et suscite tant de sympathie qu'il se voit hissé au firmament, au même niveau que Ségolène Royal, même si le grand parti d'opposition est encore en train de chercher à se reconstruire.

Olivier Besancenot taille même des croupières à tous les caciques du PS puisque Ségolène Royal, Bertrand Delanoë et François Hollande enregistrent tous trois une baisse significative qui traduit bien évidemment une impatience des partisans de la gauche modérée et ce par rapport à une ligne d'opposition jugée trop formelle pour ne pas dire trop molle.

Certains ministres en poste voient leur cote personnelle s'améliorer : par exemple Valérie Pécresse (24%) ou bien Xavier Darcos (18%). De même et pour la première fois Fadela Amara apparaît dans les baromètres d'opinion et à un haut niveau (42%).

Inversement, d'autres personnalités, parce qu'elles ont choisi de soutenir contre vents et marées le  pouvoir présidentiel, subissent une érosion certaine à l'instar de Rachida Dati, de Xavier Bertrand et même de la plutôt discrète Michèle Alliot-Marie.

Nul ne sait encore ce que seront les résultats des élections municipales et surtout des commentaires, analyses et comptages qui en seront faits. Il faut reconnaître qu'à l'exception des très grandes villes,  le coefficient local est infiniment plus important que pour tous autres scrutins, comme ce fut le cas pour les élections régionales, comme ce pourrait être le cas pour les élections européennes, …

Malgré tout, à l'appel de l'opposition et compte tenu de la mauvaise humeur qui règne dans le pays et pas seulement dans les salons parisiens, l'hypothèse d'un vote sanction n'est plus à écarter !

Là aussi, mesurée par le baromètre ici commenté, l'« humeur » des français pourrait les conduire à opérer des choix différents de leurs sympathies politiques habituelles : ainsi, 37% des Français souhaiteraient en effet que l'opposition de gauche sorte renforcée à l'issue de ces municipales, 11% forment le même vœu pour ce qui est de l'opposition centriste. Et ce sont 28% seulement des personnes sondées qui, finalement, préféreraient un renforcement de la majorité présidentielle.

S'il est important de souligner que cette option ne soit en réalité l'expression que des 61% d'électeurs de second tour de Nicolas Sarkozy et 76% de ceux de Ségolène Royal également au second tour de l'élection présidentielle, des électeurs qui se sont donc reportés sur des candidats jugés par eux « par défaut », globalement, ceux-ci espèrent un renforcement de l'opposition de gauche.

On notera enfin que parmi les électeurs de premier tour de François Bayrou, la stratégie est claire : ils veulent, avant tout, le renforcement de l'opposition de gauche. Ils la privilégient même à un renforcement de l'opposition centriste et, bien entendu de la majorité présidentielle.

Pour le coup, la perspective, largement annoncée ce qui peut apparaître comme une erreur et de stratégie et de « casting » d'accentuer encore davantage l'ouverture à gauche lors du prochain remaniement ministériel ne recueille aucune opinion de nature à la justifier puisqu'elle suscite une  indifférence telle qu'au lieu de rassembler, comme il l'avait si bien fait au lendemain de sa victoire présidentielle, le chef de l'Etat ne ferait pour l'heure qu'accentuer les clivages politiques.