Le Grenelle en lui-même fait penser à Molière, ce sublime auteur de pièces de théâtre qui nous a dépeint la Société et se travers avec un talent que jamais plus personne n’a su ou pu mettre au goût du jour.
Car, en effet, le Grenelle est ses coulisses, le Grenelle et sa liste si diverse de droits et de devoirs, d’objectifs et de moyens, a de quoi nous inviter à cette commémoration des personnages que Jean-Baptiste Pocquelin a su, avec l’ironie et l’acidité particulières qu’il savait leur prêter, mettre en scène.
Commençons par … Sganarelle, qui, d‘ailleurs, rime avec Grenelle. Dans la pièce « le Cocu imaginaire » (1660), pièce qui remporta le plus de succès du vivant de Molière, Sganarelle – le cocu - était un bourgeois de Paris qui, se fiant aux apparences, croyait que sa femme le trompait. Par cette comédie en un acte et en vers de Molière, bien des donneurs de leçons, bien des associations et autres ONG, si tant est qu’elles en aient le courage et l’objectivité, s’y reconnaîtront.
En revanche, le Sganarelle de Dom Juan se démarque des autres valets de Molière ne serait-ce que parce qu’en tant que valet, il n'est protecteur de la Foi que par peur de l'au-delà … D’autres, plus proches du pouvoir, s’y reconnaîtront… Ces caciques du XXIème siècle seraient en effet bien inspirés de méditer sur ce personnage emblématique qu’est Sganarelle, personnage qui mêle souvent les dictons populaires, qui fait preuve d'un certain bon sens, mais … qui reste assez maladroit.
Il y a ceux qui ont fait et voulu le Grenelle, il y a aussi ceux qui ont contribué au Grenelle tel qu’il a été voté et il y aura celles et ceux qui appliqueront les textes - certes conçus dans la concertation – mais issus de la France d’en haut pour mettre sous contrainte la France d’en bas.
Psychologiquement, presque « psychiâtriquement », dans l'acte I, scène 1, de « Dom Juan », notre Sganarelle s’attache à préciser qu'il déteste son maître. Mais son devoir est de le suivre. Pourquoi le fait-il ? Plus par lâcheté que par sens moral. Plus par sa foi en la Foi …
N’y-a-t-il pas là de quoi s'interroger sur les véritables raisons qui motivent ce valet qui, par ailleurs, ne cesse d'implorer son maître de se repentir tout en le menaçant du châtiment divin ?
En fait, il y a quelque chose de paradoxal dans l’attitude de Sganarelle, car, du point de vue de la Société, il trouverait normal ou à tout le moins dans l'ordre des choses que meure son maître et ce bien que ce dernier le fascine tant il est homme d'exception.
Sganarelle se demande jusqu'où le pouvoir qu’exerce son maître, Dom Juan, peut aller...
Cette curiosité, presque malsaine, est emblématique de tous ceux qui appliquent des textes qu’ils ne comprennent pas ou qu’ils n’ont pas voulus. Ce comportement - quasi schizophrénique – illustre combien le pouvoir des uns peut annihiler le sens critique des autres. Ce personnage si bien animé des craintes et des travers populaires dans de si nombreuses œuvres : Le Médecin volant, Sganarelle, L’École des maris, Le Mariage forcé, Dom Juan, L’Amour médecin, Le Médecin malgré lui … nous ramène sur Terre pour nous faire comprendre aussi bien les travers qu’implique la subordination excessive que les excès auxquels conduisent les dirigeants à la fois trop talentueux et trop volontaristes.
A l’heure où l’on nous parle de Grenelle pour la relance, pour les salaires, pour le pouvoir d’achat, … le moment n’est-il pas venu plutôt de mettre en œuvre, dans notre pays, avec force relais locaux pour que chacun puisse apporter son écot, un débat, un vrai, sur notre Société, son fonctionnement, son devenir, ses qualités et ses défauts. En suivant Sganarelle, on comprend mieux nos dysfonctionnements mais ce ne seront ni les Grenelle ni les mouvements de rue qui résoudront nos problèmes actuels et surtout qui nous permettront de mieux encore nous préparer aux mutations fantastiques qui sont à nos portes. Sans Tartuffe. Sans Scapin. Sans Harpagon ni Galopin …