
Le contexte de ce vote était particulier car il n’opposait aucun président sortant à quiconque, car il était fortement mobilisateur en raison du souvenir de 2002 qui avait marqué les esprits, à gauche mais aussi à droite, privant les uns et les autres du débat nécessaire au choix pour le second tour.
Ce vote aura rassemblé douze candidats tous légitimés par une règle du jeu – celle des 500 signatures – qui a montré ses limites et qu’il faudra sans doute revoir pour assurer la possible accession au premier tour de ce scrutin majeur à des personnalités qui représentent d’importants courants de pensée dans la nation.
Ce résultat n’a, finalement, rien d’étonnant. La bipolarisation était annoncée et elle a, logiquement, eu lieu. Logiquement, oui, car les seuls grands courants qui s’opposent sont désormais comparables aux majorités et oppositions des grandes démocraties modernes où le choix est discriminant entre une voie libérale sociale privilégiant l’économie de marché et la liberté d’entreprendre en y mettant des garde-fous notamment sur la santé et la protection sociale d’une part, et, d’autre part, une voie alternative, privilégiant davantage la dimension sociale et proposant une gouvernance différente mais dont les effets sur les grands équilibres économiques sont, statistiquement et historiquement, délicats à maintenir. Et à reconduire politiquement.
Ce vote, en revanche, consacre une importante troisième place au centre avec le score historique de M. Bayrou. Jouant à fond la carte de la Vème République en se présentant « seul » devant les Français pour créer une alchimie qui aurait pu marcher, se déclarant volontiers le candidat « anti système » comme le fit si souvent M. Le Pen, promettant de parvenir à faire travailler ensemble les adversaires d’hier pour un lendemain plus prospère, il a dépassé, d’assez peu finalement, en pourcentage, le score du candidat du FN en 2002, ce qui amena ce dernier à croire que le FN serait une force politique incontournable, un pari perdu cette fois-ci puisque le « vieux timonier » recule partout même dans ses bastions les plus solides d’antan.
François Bayrou, jugé plus républicain et plus fréquentable, fait donc l’objet, cette fois-ci, de toutes les attentions et est en conséquence courtisé par les deux grands gagnants de dimanche soir. Mais le patron de l’UDF n’est pas propriétaire de ses voix et il le sait bien. Sur son nom se sont cristallisés des espoirs mais aussi des rejets de personnes. Il y a donc fort à parier qu’une partie non négligeable de son électorat s’abstiendra au second tour, que les autres regagneront le bercail dont ils se sont, le temps d’un scrutin, éloignés. Il y a en effet fort à parier que ce mouvement centriste ne pourra exister, dans la durée, s’il n’a pas, à sa gauche ou à sa droite, en fonction de son positionnement, une opposition républicaine, un contrepouvoir classique et normal comme tout pays démocratique et toute société développée.
Le Pen avec ses 20 % n’a pas transformé son score au moment es législatives il y a cinq ans, sa représentativité dans les communes, les départements et les régions reste, somme toute, marginale.
Il faudra donc que François Bayrou aille vite, passe la surmultipliée d’ici le mois de juin, avant les élections législatives, pour peser, comme il le souhaite, au Palais Bourbon.
Rien n’est gagné non plus, à gauche comme à droite. Car l’indécision est forte. L’adhésion est faible. La dynamique consistant à rassembler les Françaises et Français autour d’une personne, autour d’un projet, autour de valeurs nouvelles et modernes manque cruellement au lendemain de ce premier tour qui annonce un second tour serré, un second tour que l’autre gauche entend commuer en référendum « pour ou contre » leur « tête de turc », prêchant ainsi la division, la scission, la sécession d’une nation qui pourtant n’aspire qu’au rassemblement.