
C’est donc, sans grandes précautions oratoires, que Nicolas Sarkozy a émis l’hypothèse et donc le souhait que le « temple européen de l’argent » puisse prendre des mesures permettant d’empêcher la surévaluation de la monnaie unique, un facteur handicapant, notamment pour les exportations dans le reste du monde.
Cette suggestion a été entendue mais jamais écoutée. L’euro est à son plus haut historique face au dollar. L’action, simplissime, que la BCE aurait pu, le moment venu, avoir sur les taux d’intérêts ne se fera sans doute pas tant qu’existera cette opposition et finalement ce bras de fer entre les deux hommes. L’un ne voulant pas céder à l’autre et vice-versa.
Cet épisode vient en revanche renforcer les sentiments et convictions qui ont fait échouer le référendum pour le Traité Constitutionnel. Pourquoi ? Car cette bataille de présidents illustre parfaitement les transferts de pouvoirs opérés entre Paris et Bruxelles.
Notre Sarkozy donneur de leçons à M. Trichet s’en trouve certes marri mais n’en peut mais.
De la même manière, M. Trichet donneur de leçons sur le déficit public de notre pays peut lui aussi s’en trouver marri mais sans pour autant pouvoir se prévaloir de n’en pouvoir mais.
Car M. Trichet qui n’est le « jouet » de personne, a rebondi sur les propos très commentés du Premier ministre, François Fillon, qualifiant la France d’Etat en faillite. Il a profité de cette opportunité, de cette fenêtre ouverte par le très sportif chef du gouvernement, pour souligner les écarts importants de déficits publics par rapport au produit intérieur brut (le fameux PIB) entre les différents pays de l’Union.
Et il faut le reconnaître : la situation de la France n’est, à cet égard, guère glorieuse !
On regrettera, cependant, que cette dérive n’ait été ni expliquée, ni commentée. On déplorera que la majorité et l’opposition, qui se sont succédées à plusieurs reprises au pouvoir, se soient renvoyé la balle et donc la responsabilité d’une situation qui, sans nul doute, remonte à plus loin mais n’a finalement fait que se détériorer lentement au cours des quinze dernières années.
Le déficit public trouve son origine notamment dans la dette, une créance de l’Etat français à l’égard de banques et institutions internationales, un déficit voire un gouffre qui remonte aux années Mitterrand. De la même manière, les premières lois de décentralisation n’ont fait que s’empiler les strates administratives aux compétences sans cesse élargies mais aux financements jamais assurés autrement que par la dette puis la levée de nouveaux impôts.
Les années de cohabitation n’ont rien arrangé. Les doublons se sont presque institutionnalisés dans la fonction publique et les dépenses ont continué à filer, à un rythme soutenu, avant qu’elles ne finissent par s’envoler du fait de la fameuse loi sur les 35 heures.
Enfin, l’absence, jusqu’ici, de volontarisme politique pour réformer le grand pays qui est le nôtre n’existait pas, les pouvoirs exécutif et législatif faisant tout pour se faire réélire, sans faire de vagues, sans blesser personne et du même coup sans s’attaquer aux causes préférant replâtrer les effets autant que faire se peut.
Finalement, si « Trichet n’est pas jouet », il pourrait intégrer à sa réflexion et donc sa stratégie, l’absence de courage politique ici et ailleurs au cours de la décennie passée. C’est en partie ce que lui demandent M. Sarkozy et certains de ses pairs.
Or, sauf à considérer, a priori, qu’il s’agit là d’un dialogue de sourds, l’un, comme l’autre, ont suffisamment de courage et de capacité à se remettre en cause pour que la croissance salvatrice de la zone euro que tous appellent de leur vœu puisse être réalité plutôt qu’un simple vœu pieux sans réelle échéance …