Le contraste d’avec les autres, qu’il s’agisse des grandes chaînes généralistes hertziennes ou des plus modestes de la TNT mais qui, toutes, vivent uniquement de leurs ressources publicitaires, est tel que l’on en vient à se demander comment il a été possible de vivre avec cette farandole de flux médiocres, de films, documentaires et autres émissions à l’abyssale vacuité alors que l’industrie des médias et du divertissement est capable de produire des contenus de qualité.
Ce ne sont pas les vendeurs d’espace ni les régies publicitaires qui ont le plus contesté cette mesure qui, de toutes façons, devait être expérimentée. D’ailleurs au début, ce peut être bien, nouveau, séduisant et puis, avec le temps, se dégrader de telle sorte que l’on soit tenté de revenir aux formules d’avant. Toujours est-il que les personnes les plus opposées à la disparition de la pub, ce sont principalement les journalistes et présentateurs, comme si, malgré leur sacro-sainte indépendance, se dissimulait ici quelques avantages et là quelques cadeaux pour avoir laissé passer qui un logo, qui une image, fût-elle subliminale. Il n’est de mystère pour personne que souvent les plus beaux cadeaux, les plus exotiques et envoûtants voyages de presse se destinent aux rédacteurs d’un circuit finalement assez court de la presse magazine et de l’audiovisuel dans l’univers commercial et de concurrence.
Observez les réactions que l’on peut lire ou entendre, ici ou là, et vous verrez que le front anti est essentiellement constitué de celles et ceux qui n’hésitaient jamais, jusqu’ici, à se draper dans leurs habits de personnes généreuses et tolérantes, ouvertes à la nouveauté, combattant farouchement les conflits d’intérêts par ci, les trafics d’influence par là.
Mais le plus agréable dans tout ceci, c’est qu’au terme de ces soirées sans avoir été saturés de ces visages et corps de belles femmes, sans avoir entendu ces « jingles » publicitaires qui vous rappellent telle ou telle marque, sans que vous n’ayez plus connaissance des promotions en cours ou des nouveautés qu’il ne faut absolument pas manquer, vous transformez votre comportement d’achat. De l’achat impulsif, du fantasme inassouvi que crée le spot superbement bien fait, vous vous éloignez, peu à peu, faisant de vous un acheteur ou consommateur raisonné et raisonnable et non plus un flambeur dans les linéaires de la distribution.
Qui plus est, il y en a pour tous les goûts puisque la « zapping attitude », elle, n’a pas disparu.
Mais après trois semaines de cet indicible bonheur et de quiétude télévisuelle, je m’aperçois que cette mesure résout, en partie, les questions liées au pouvoir d’achat. Moins de spots, moins d’achats. Moins de pubs, moins de dépenses superflues. Et, au bout du compte, outre le plaisir des yeux et oreilles que nous offre, malgré les réticences humaines donc normales de celles et ceux aux habitudes bousculées, votre porte-monnaie se vide moins vite, votre sommeil est devenu réparateur avec ces dizaines de minutes de gagnées et votre sensation d’être « zen » n’a jamais été aussi intense.
Il sera intéressant, après deux ou trois années expérimentales alors que continuent leur course les autres chaînes plus les bouquets gratuits ou payants qui nous viennent du câble, du satellite ou de l’ADSL de bien étudier les avantages et inconvénients de la formule choisie et voulue par le chef de l’Etat.
Une chose est sûre : avec les « box triple play » des fournisseurs d’accès à l’Internet plus les bouquets de la TNT, du satellite et du câble, avec force nouveaux services offerts notamment par les prodigieux pas en avant que nous offre notamment le déploiement de la fibre optique, l’absence de publicité commerciale à certaines heures sur quelques chaines parmi des centaines est presque anecdotique. Car la publicité n’a pas disparu. Pas complètement. Elle reste là, discrète, avec les parrains de rubriques à certains moments ou les clins d’œil de transitions à d’autres. Mais peu importe : sociologiquement l’impact est loin d’être neutre. Il responsabilise pleinement le téléspectateur contribuable. Il donne à voir de grands moments de télévision qu’auparavant il fallait attendre tard dans la nuit ou carrément s’en passer. La liberté a fait un pas en avant. La culture aussi. La démocratie en sortira grandie si chacun joue le jeu …